Pensées, de Joseph Joubert (1838)


          On ne sait si c'est par nostalgie d'un monde jeune encore, où les choses seraient encore en débat, nommables autrement, explicables autrement, ou bien par mécontentement de voir la science nous intimider de faire, mais comme en passant, et pour soi-même, d'autres hypothèses sur la lumière, le temps, la mémoire, la pluie, l'amour, les corps, Joubert invente soudain de tout reprendre, de sorte qu'il y a dans ces pages, comme dans les carnets privés de Léonard de Vinci, une hardiesse de vue, une liberté, une bizarrerie parfois, mais sans rien ici ni d'hermétique, ni d’exubérant, une clarté au contraire, une grâce, quelque chose vraiment d'intime et de délicat, qui font des Pensées l'un des plus purs exemples peut-être du besoin littéraire, – ce besoin d'organiser, de réorganiser à loisir le monde et soi-même à travers le langage ordinaire.


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