Du côté de chez Swann, de Marcel Proust (1913)



          Disons-le autrement pour une fois, disons-le tout négativement, car la joie n'est pas seule lorsque nous lisons Proust, et de même qu'il y a quelque embarras, parfois, devant la grande musique, une gêne un peu, ce débraillé qu'on se trouve soudain, cette sottise, cette futilité, lorsque se termine une pièce de Mozart ou de Beethoven, de même voudrions-nous demander : n'est-ce pas le mot de « honte » qui convient, mais une honte d'une sorte nouvelle, grave, élevée, toute noble, parce que nous n'avions pas même idée, avant de lire Proust, de pouvoir user ainsi de notre vie, de sorte qu'à la façon du torse d'Apollon qui soufflait à Rilke : « Tu dois changer ta vie », n'est-ce pas toute la Recherche du temps perdu qui décidément nous alarme de vivre si loin, et de nous charger si peu, de notre vie ?







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