Les trois soeurs, d'Anton Tchekhov (1901)


          De même qu'il y a une douceur, mais légère, dans la peinture de Raphaël, cette langueur discrète, passagère, et moins d'ailleurs dans ces mains caressantes, ces paupières démesurément baissées, que dans quelque chose autour de presque fade, ces arbres plutôt grêles, ces ciels plutôt pâles, de même encore qu'il existe une douceur, mais sèche un peu, dans l'art japonais, et qui paraît beaucoup devoir au souci de ne pas l'être trop, et comme de se refuser, cette pénombre sur les objets, ce silence sur les sentiments, et jusqu'à ces murs dévêtus et sévères, il y a un certain doux-amer dans le théâtre de Tchekhov, et moins que doux d'abord, mais sobre, mais réservé, de sorte que l'on ne sait si c'est lentement ou précipitamment qu'il mène ses personnages à la déception, car on le dirait délicat ici, ému peut-être, lorsqu'il les laisse s'épancher devant nous, lointain ailleurs, impartial alors, lorsqu'il les replonge dans ce gris déchirant, ces belles heures jamais très belles, ces mauvais jours jamais tout à fait mauvais.



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