Le Génie du lieu, de Michel Butor (1958)


          Si précaire, si douteux que soit le destin des livres en général, quels mots employer alors pour ceux des livres, tel le Génie du lieu de Michel Butor, qu'une trop grande hégémonie, peut-être, des sciences humaines, précipite désormais dans l'oubli : car, qu'il parle de société, c'est sans sociologie, des langues ou des vêtements, c'est par conjectures, toujours brillantes, qu'il s'étonne d'une ruine ou d'une sculpture, c'est encore sans cet alentour de références ou de notes de bas de page qu'on voit dans les études disciplinaires, de sorte que le seul titre que se reconnaît l'auteur, c'est celui d'enregistrer ce qui passe tout enregistrement, l'atmosphère, les regrets, le fond d'âme d'un lieu, cette énergie un peu, souvent retombante, assoupie ou meurtrie, des vieilles cités (Athènes, Ferrare) ou des pays bousculés par l'histoire (l'Egypte), – et n'est-ce pas le fait même de la littérature qu'en l'absence ou non d'information, il n'est que d'elle d'aller toucher tout le paysage enveloppé dans la moindre rue, le moindre objet, le moindre geste ?


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