Cinq phrases sur la littérature


        Disons d'abord la chose favorablement : la littérature est comme une autre politique, plus élevée d'intention, plus rapprochée des choses, si l'on veut bien entendre ici tout ce qu'il entre chez elle de besoin de déclarer et de défendre, cette véhémence vraiment, cet appel que l'on ressent pour tout, une décennie, une femme, la clarté particulière d'octobre ou de novembre, autre chose encore, tel fait de société ou d'histoire, qui paraît mal compris, un immeuble aussi bien, un vêtement, un ustensile. Sollicité, et comme sommé d'obtenir l'adjectif qui convient, la tournure, la forme heureuse, l'écrivain ne ressent-il pas le devoir, mais pour les choses, non pour lui-même, de faire passer ses impressions en expressions ?
        Ou bien non, et c'était là verser dans une trop noble image : ce que veut celui qui écrit, c'est d'abord de conjurer le mauvais sort d'être loin des choses, ou en deçà de lui-même, cette irritation, cette exaspération d'être tout écarté d'un spectacle qu'il ne sait pas encore dire ou comprendre, et pour lequel il n'est tenu pour rien, tel le narrateur chez Proust, au tout début de sa recherche, qui ne parvient pas à convertir la confusion de son ravissement, au bord de la mare de Montjouvain, en la netteté, gratifiante, reposante, d'une expression : « Zut, zut, zut, zut ».
     C'est dire alors combien la littérature, qui rapporte ce dérobement des choses, se dérobe comme de juste à tous nos désirs d'en pénétrer à notre tour ou la nature, ou l'importance.
        Quoi qu'il en soit, tous les autres livres, de philosophie, d'histoire de l'art, de politique s'il y en a, ne se retrouveront sur ce site que dans la mesure où, d'une manière ou d'une autre, ils toucheront à la littérature ainsi désirée.



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